dimanche 27 juin 2010

Paraguay


Vendredi 17 juin : 100km. "Extrait du guide du petit cyclovoyageur, chapitre 10 : Passer au Paraguay. Faire 40 kilomètres de route, passer deux rivières, deux villes et deux frontières. Bravo vous êtes arrivés". Trop facile, allez j'me lance!

Première frontière, Argentine-Brésil, aucun problème : deux tampons sur le passeport, on repart tranquilou, au revoir m'sieurs-dames.
Puis on va pour traverser les cités siamoises de Foz de Iguacu et Ciudad del Este, situées de part et d'autre de la frontière Brésil-Paraguay. Et là c'est le drame.
Je commencais à avoir l'habitude de rouler en ville, au milieu des voitures, ou même sur les autoroutes défoncées du Chili, mais je ne m'étais en aucun cas préparé à passer dans un endroit pareil. Laisse moi te dresser le tableau : Au coeur d'une favella, sur une route à trois voies, des milliers de voitures et camions se font la guerre en essayant de se doubler les uns les autres. Ca klaxonne, freine, accélère, injure et pollue à en faire exploser la couche d'ozone. Tu as des voitures tournées à 90 degrés par rapport au sens de la circulation, mais on sait pas pourquoi ni comment elles ont fait...
Au milieu de cette course de débiles, il y a une file ininterrompue de milliers de motos, qui slaloment sans arrêt entre les autres véhicules, chaque moto collant celle qui la précède : c'est la règle. Même si un camion menace de briser la ligne, il faut tenir bon et suivre : ce n'est pas la loi du plus fort, c'est la loi du plus cinglé, une véritable guerre des nerfs...
Aprés avoir récité trois "Notre Père" et cinq "Je vous salue Marie", je me lance dans la mêlée, aussi crispé que peut l'être une gerbille jetée au milieu d'une bande de chats. Je repère ma moto-guide, que je ne lâcherai plus d'une semelle. Un camion accélère pour passer entre nous, je lâche pas. Il faut gravir une côte, et les pots d'échappement me crachent leurs fumées pestilencielles, je lâche pas. Un vendeur de cacahuètes se promène au milieu de cette pagaille : je lâche pas, quitte à lui foncer dessus. Pédaler, respirer, surveiller devant, à droite, à gauche, vérifier que mes larges sacs passent bien entre les voitures, ignorer les sifflements des badauds qui veulent attirer mon attention (je suis probablement le seul touriste dans le coin). Dur dur dur... Mais au bout de trois kilomètres, le trafic commence à se faire moins dense, les voitures se dispersent, et j'arrive en un seul morceau au Paraguay... Seul problème : à aucun moment je n'ai pu présenter mon passeport au contrôle de frontière!
Je demande donc à un agent de police ce que je suis censé faire, mais il sait pas trop... Je demande à un deuxième, qui pense qu'il faut aller à la mairie, mais il est pas vraiment sûr... Le troisième est un petit trisomique (véridique...) et ne me sera pas d'un grand secours. Le 4ème enfin sera le bon, mais m'annoncera une bien mauvaise nouvelle : il faut me rejetter dans le trafic transfrontalier, car la douane se trouve à un kilomètre derrière moi. Arg!!! Je replonge donc dans la marée, et m'en extrait péniblement au niveau d'un bâtiment que rien ne désignait comme étant un poste frontière. A l'intérieur, un gendarme désoeuvré me regarde avec étonnement, avant de procéder à la régularisation de mon passage. Ensuite je brave pour la dernière fois le torrent de véhicules, pour retourner au Paraguay. Trop facile...
Je parcourerai encore 30 km sur la route principale, pas trés intéressante, avant de bifurquer vers le sud, et parcourir 30 km supplémentaires, pour m'arrêter dans une petite ville qui ne figure pas sur ma carte. En fait, depuis mon entrée au Paraguay, ma carte et mon guide ne me seront plus d'aucun secours : les indications qu'ils me fournissent n'ont absolument rien à voir avec ce qui existe!




Samedi 18 juin : 90 km. Plusieurs fois on m'avait mis en garde sur le Paraguay et ses habitants, la dernière fois de la bouche même d'un habitant de Ciudad del Este, qui avait souligné son propos d'un geste suggestif, en se passant la main en travers de la gorge. Mais au lieu de voleurs et autres gens dangereux, je n'ai rencontré que des personne d'une gentillesse inouïe. Il est probable que les grosses villes aient leur lot de cinglés, mais comme je ne m'y suis pas arrêté, je ne peux rien en dire. Toujours est-il que parcourir les campagnes de ce pays fut une expèrience humaine assez extraordinaire. Les gens n'y sont pas habitués au tourisme de masse, et n'ont jamais du voir un cyclovoyageur de leur vie. Le moins qu'on puisse dire, c'est que je ne passe pas inaperçu : autour de moi, presque toute activité cesse, les gens me regardent et me saluent presque tous, avec un grand sourire. Ceux qui sont à vélo ou en moto viennent rouler à mon niveau pour discuter un petit moment : d'où je viens, comment c'est en France, est ce que je crois en Dieu... Toute conversation, ne serait-ce qu'une demande de direction de ma part, se finit systématiquement sur une poignée de main et une série de bénédictions pour la suite du voyage. Les enfants en particulier sont bien marrants. Il y a des légions de tout petits marmots (7-10 enfants par famille en moyenne) qui courrent sur le bas coté de la route en levant le pouce et en éclatant de rire dés qu'ils me voient venir.
A midi, ce qui devait être une brève pause déjeuner dans un petit restaurant de campagne se transforme en une longue conversation avec l'incroyable patronne et sa fillette. A la fin elle refuse de me faire payer le repas. Un peu plus tard, je croise des gens jamais rencontrés auparavant, mais qui savent mon nom, et d'où je viens. Comme quoi le téléphone arabe fonctionne plutot bien dans cette partie du monde!




Dimanche 19 juin : 80km. Aprés avoir regardé le match Paraguay-??? et l'explosion de joie qu'il a suscité dans les rues, je poursuis ma route au milieu de paysages de forêts et de champs (manioc, canne à sucre, soja, maïs..). Les petites maisons bleues sont bordées de jardins dans lesquels poussent bananiers, courges, et toutes sortes de fruits et légumes. Le soir, alors que je traverse un village de colons d'origine Allemande, un cycliste qui aurait pu s'appeler Hans vient à ma rencontre, et apprend au cours de la discussion qui s'ensuit que je recherche une boutique de vélo, pour acheter deux trois bidules. Aussitot, il appelle un de ses amis qui possède une bicicleteria, lui demande d'ouvrir exceptionnelement son magasin, et me conduit jusque là. J'y trouve mon bonheur, et alors que nous sommes sur le point de repartir, arrivent 3 autres de ses potes cyclistes. Ils me conduisent à un hôtel impeccable et incroyablement bon marché, et l'un d'eux m'invite à aller manger chez lui le soir même. C'est José, un garagiste Brésilien qui vit ici avec sa "petite" famille. Au terme d'une soirée super sympa, il me proposera de repasser le lendemain matin pour faire une révision complète du Sylvio.



Lundi 20 juin : Aprés que l'on ait nettoyé le Sylvio jusqu'au plus petit boulon, je reprend de nouveau mon chemin vers les missions, qui ne sont plus qu'à une petite dizaine de kilomètres. Sur les sites de Trinidad et Jesus de Tavarangue, dans lesquels les jesuites evangélisaient les indiens guaranis pour les sauver des esclavagistes (selon la version officielle du moins...), on aperçoit des ruines extrèmement bien restaurées, et assez surprenantes. On ne s'attend pas à découvrir au milieu de la jungle des édifices de cette ampleur, qui rappellent autant l'architecture médiévale Européenne. Les murs sont en briques rouges, et se détachent parfaitement sur le sol d'un vert profond, et sur le ciel bleu (quand il fait beau!). Les vestiges témoignent d'une grande richesse architecturale : les immenses églises ne devaient rien avoir à envier a celles qui se trouvent sur notre vieux continent. Je suis absolument tout seul sur place, et j'en profitte quelques heures avant de repartir, vers Encarnacion puis Posadas en Argentine. Sur le pont qui relie les deux villes je me dis que je ne rencontrerai peut être plus des gens aussi sympas qu'au Paraguay, et je suis bien content d'y avoir fait un tour.

13 commentaires:

  1. C'est extraordinaire! Les photos sont belles (comme d'hab)! Tu me fais rêver! Zut trois points d'exclamation dans le même commentaire, je retombe en adolescence ou quoi!? Flûte un 4ème. C'est de ta faute gringo.
    C'est quoi la prochaine étape?

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  2. honorable venerable1 juillet 2010 à 09:55

    Hola! que tal!"Madre mia" es loca!pries pour nous !hasta luego conquistador

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  3. Bon j'ai eu chaud à postériori pour ton pédalage dans la folie routière urbaine, mais chaud au coeur quand j' ai lu tes lignes sur la gentillesse des gens que tu as rencontrés par la suite. reste prudent quand même, mais cet élan de sympathie autour de toi m'a fait vraiment plaisir.
    El Sylvio doit etre content d'etre rajeuni un peu et totoro? il a eu droit à un toilettage ?
    le pauvre?
    franou, toi c'est usage de !!!, moi c'est ????
    je vais regarder les photos et surement me régaler !!!!
    bisous

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  4. Le coup du slalom fou entre les véhicules a fait frémir toute l'équipe(j'en ai même entendu qui pariaient sur tes chances, pfffffffff....)
    Ca fait du bien de voir qu'il ya des gens généreux partout, comme quoi il faut rester optimistes.
    Bravo amigo
    Besos de todos y sin olvidar el pero loco.

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  5. On se croit dans une BD avec un cycliste fou au milieu d'un trafic aussi fou qui en réchappe pour se retrouver dans le palais du roi des singes...Je m'attendais d'ailleurs à le voir enfourcher El Sylvio et partir en chantant la petite chanson de Lucky Luke.

    On attend déjà la suite.

    En tout cas bravo pour les photos.

    Bises

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  6. Coucou ! Coup de coeur pour les ruines de Trinidad ! (eh oui, on se refait pas...) Bisous et roule vite et loin ! :)

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  7. Salut à tous! Ici tout va bien, j'ai pas mal avancé ces derniers jours, et me trouve à 350km de Salta, ma prochaine étape. Ensuite je ne sais pas encore, mais y aura de la montagne et du désert dans tous les cas! Bisous!

    (3 points d'exclamation Franou, moi aussi je retombe en crise d'adolescence... pour peu que j'en sois déja sorti).

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  8. Mais c'est quoi tous ces gens sympathiques avec toi! C'est fou! ILS sont tous fous!

    Et vive les points d'exclamations !!! (Je ne saurais vivre sans)

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  9. BISOUS MON POIVRE!!! je passe à Toulon 4 jours... mais tu n'ai pas là!!!!!!!!!!!!!!!!

    Profites bien!!!

    KIKA

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  10. aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah es !!!!!!!!!!!!!!bouhou je deteste ne pas avoir de cercveux...

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  11. Bon c'est qu'on s'ennuie tous dans nos vies mais... LA SUITE !!!!! je veux connaitre la suite des aventures uniques du poin !!!!!!

    ;)

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  12. Last news: Augustin t'attend en Equateur... Il va donc falloir pédaler dur pour monter vers le nord (ce que tu fais sans doute car on n'a plus de nouvelles).

    Bises

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  13. Je suis à deux doigts d'acheter mon billet pour Quito pour voir la trogne en direct de notre premier petit cousin... On se retrouve là bas pour Noel ? Ce serait plutot sympa non ?
    Enormes tes aventures (triple points d'exclamation)
    J'attends Salta avec impatience car je n'ai malheureusement pas pu y aller last year.

    Bon pédalage, take care

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