Chiloe

Puerto Aisen - Puerto Chacabuco - Quellon - Castro - Dalcahue - Curaco de Velez - Chepu - Ancud




Mardi 4 mai : Faire du vélo, ca ne s'oublie pas. Et heureusement! Car entre les jours d'attente à El Chalten, l'interminable trajet en bus vers Coyhaique, et les heures d'errance que j'y ai effectué, un pot de Nutella à la main, j'aurais été bon pour mettre des roulettes sur El Sylvio afin de garder l'équilibre! Je part tout de même avec un apriori : la reprise va être dure car j'ai du perdre pas mal d'endurance cette dernière semaine. Coup de bol, la route qui mène à Puerto Chacabuco est en descente tout du long! Hourra!
Je pourrais parler pendant des heures de la beauté de cette vallée qui conduit à la mer : de sa forêt luxuriante, de ses joyeux torrents , ses superbes cascades, de la traversée de mon premier tunnel dans lequel il n'y avait aucune lumière (pas même les miennes...), ou des sanctuaires insolites qui se dressent ca et là au bord de la route. Mais bon, on a pas que ca a faire, je vais donc synthétiser : 55 km hyper cool. Je plante la tente au bord de la route, comme d'habitude.

Mercredi 5 mai : R.A.S. Le bateau ne part que vendredi, et comme il pleut dehors, je nidifie dans ma tente...




Jeudi 6 mai : Allez, on se bouge un peu (mais pas de bonne grâce : à 3h de l'aprés-midi, aprés avoir recu une visite de la police, venue voir qui squattait devant le champ du Senior Ramirez). Je fais mes derniers 33 kilomètres et arrive à Chacabuco alors que la nuit tombe. Les villages côtiers sont trés mignons, avec de belles maisonettes en bois.




Vendredi 7 mai : Allez hop on embarque, c'est parti pour 30 heures de bateau! Direction Quellon, sur l'ile de Chiloe! Souquez matelots, et qu'on m'amène une bouteille de rhum! Il faudra bien ca pour supporter les nanards qu'ils nous passeront en continue à la tv. Notez que même un bon film, lorsqu'il est doublé en espagnol, devient automatiquement un nanard! Chapeau bas!




Samedi 8 mai : Arrivée à Quellon en début de soirée. Sympa comme endroit, avec ses jolis maisons en bois, mais bon, on ne va pas y rester trés longtemps, une nuit et une matinée tout juste.




Dimance 9 mai : 84 km effectués l'aprés midi, en direction de Castro. La route que j'emprunte est la R5, plus connue sous le nom de Panaméricaine, cette fameuse route qui traverse toute l'Amérique, et que je vais emprunter sur plusieurs centaines de kilomètres. Et elle se finit ici même, à Quellon.
Je bénéficie d'un temps magnifique, et les paysages sont toujours superbes, avec des lacs et des forêts de fougères géantes. Tout est trés vert. La route par contre est bigrement vallonée, et je fais le yoyo. Il y a peu de circulation, et quelques maisons ou fermes, mais aprés le desert de patagonie, la route me semble trés animée : partout il y a des gens qui travaillent, attendent un bus, ou marchent simplement sur le bas coté.
Comme de coutume j'arrive à destination lorsqu'il fait nuit.




Lundi 10 mai : Capitale de Chiloe, Castro est une superbe ville, à l'atmosphère détendue et aux vieilles facades de bois et de tôle colorées. Elle possède, entre autres, l'une des 16 églises chilotes inscrites au patrimoine mondial de l'Unesco. Mais ce qui a mon sens la rend aussi intéressante, ce sont ses palafitos : ses maisons du bord de mer montées sur pilotis, qui lui donnent un petit air Vénitien (Burano comprise, vu que les maisons sont également peintes de toutes les couleurs). Comme partout sur l'île, on y mange surtout du poisson et des fruits de mer, mais en particulier du saumon. Il faut savoir que le Chili est en voie de devenir le plus gros exportateur mondial de saumon, passant bientot devant la Norvège. Mais cela a ses défauts, car l'élevage intensif pollue fortement les lacs et rivières, et nécessite une quantité astronomique de poisson sauvage, servant à nourrir le saumon lors de sa croissance.




Mardi 11 mai : 56km. Aprés avoir fait le tour de Castro, je me dirige vers Delcahue, à une vingtaine de kilomètres de là, pour y voir une église classée, mais surtout pour embarquer vers la petite île de Quinchao, apparemment célèbre pour ses moulins à eau, ainsi que pour ses églises (encore, oui!). Les villages sont jolis, mais pour les moulins il faudra repasser : ils ne sont pas accessibles au public en ce moment... Retour le soir à Delcahue, pour y dormir. Dans un coin de l'hôtel traine un vieux vélo d'appartement, super je vais pouvoir m'entraîner pour demain!




Mercredi 12 mai : Cap sur le village de Chepu, où l'on peut observer une curiosité géographique : 14000 hectares de forêt submergée par la mer, lors d'un tremblement de terre en 1960. 77 km pour y accéder, le début sur la panaméricaine, à toute allure, puis la fin sur une terrible route de terre, qui monte et qui descend facon space mountain (je me demande même s'il y a pas eu un grand huit à un moment...). Je m'installe dans un camping tenu par un super couple écolo, depuis lequel il y a une vue splendide sur la forêt immergée. Rando l'aprés midi. J'ai également la chance d'apercevoir un rarissime Poudou, le cervidé le plus petit au monde.




Jeudi 13 mai : Allez hop! On bouge, on bouge! Aujourd'hui le programme prévoit de quitter Chiloe, et de rejoindre Puerto Montt, à 120 km de là.
Mais apparemment Dieu tout puissant avait quelques griefs à mon égard : juste aprés le départ, en plein milieu d'une côte bien raide, paf! La chaîne se casse!

"Ahah! Dit Dieu. -Tu ne t'y attendais pas à celle là, pas vrai? Misérable petit vermiceau!" Et sur ce, pour marquer son couroux, il lance sur moi une pluie diluvienne et glacée! J'étais abasourdi.
-Mais qu'ais-je fait pour mériter ca? Demandais-je, incrédule.
-Infidèle! Tu as visité nombre de mes sanctuaires, classés à l'Unesco qui plus est, et à aucun moment tu ne t'es signé! Tu mérites ce châtiment divin!
-M'en fiche! Répondis-je. -J'ai une autre chaîne, toute neuve, que je me trimballe depuis Ushuaia! Alors ton châtiment, hein, pouet pouet!
-Ah oui? Me dit-il, et sa voix prit un ton railleur et amusé. -Et bien vas-y, répare donc, si tu en es capable!"
Tremblant de froid et de colère, je me mis à la recherche de la petite boite salvatrice. Au bout d'un moment je la trouvais enfin, tout au fond d'un de mes sacs. J'ouvris fébrilement le paquet, et en sortis la chaîne qu'elle contenait, étrangement plus massive qu'elle ne devrait l'être. Dieu éclata de rire:
"Alors, Minus, vas-y! Essaie de la poser, puisque tu es si malin!
-Qu'as tu fait à ma chaîne?! Demandais-je, furieux. -Elle est bien trop grosse pour ce vélo!
-Moi? Mais triple buse, je n'y suis pour rien! C'est toi qui as acheté cette chaîne, en oubliant stupidement de vérifier qu'elle était bien concue pour les vélos, et non pour les motos, comme c'est le cas!"
Je n'en croyais ni mes yeux ni mes oreilles, et me tenais bêtement debout sous la pluie, à regarder cette chaîne si lourde que j'avais gardé avec moi sur presque deux mille kilomètres. Je vous passe la suite de la conversation, pendant laquelle le ton montait dangereusement, et fusaient les noms d'oiseaux. A la fin, je le menacais de devenir sataniste, et lui me menacait de me désintégrer... il eut le dernier mot.

J'entrepris donc de réparer ma première chaîne, à laquelle il manquait plusieurs maillons, ce qui signifie que je ne pouvais pas enclancher les grandes vitesses, et dût avancer vers Ancud, à 40km de là, en petite vitesse uniquement. J'y arrivais en fin d'aprés midi seulement. Je reste sur place le lendemain pour réparer Sylvio, et méditer sur la condition humaine. Amen.